1901. André Lhéry, écrivain célèbre et blasé, reçoit beaucoup de courrier d'admiratrices. Un jour, une lettre retient son attention: elle vient de Turquie, ce pays où il a vécu le grand amour de sa vie. Le ton et le contenu l'intéressent mais il n'y répond pas.
1904. Il arrive à Constantinople pour un séjour. La lectrice le contacte, organise un rendez-vous clandestin et lui présente ses deux cousines. Toutes les trois sont voilées de la tête aux pieds. D'autres rencontres suivront, toujours en se cachant des eunuques-surveillants. Ces femmes, qu'il devine jeunes, sont de haut rang social et de la première génération à avoir reçu une éducation occidentale: de l'instruction (elles sont polyglottes), du savoir-vivre, des toilettes parisiennes, du piano; elles lisent Nietzsche et apprécient Wagner. Et, dès la puberté, elles restent confinées dans le harem, attendant le mari que leur père choisira et qu'elles ne verront que le jour du mariage. Elles veulent que Lhéry, qui aime tant leur ville et leur peuple, écrive un roman dénonçant cet état des choses. Elles lui apporteront des documents, le présenteront à d'autres amies dans les mêmes circonstances. Djénane suggère un titre : 'Les Désenchantées'. Djénane, celle qui lui avait écrit et qui l'intrigue de plus en plus. Avec le temps, la confiance s'installe et Mélek et Zeyneb ne portent plus de voile en sa présence mais, après avoir laissé voir son beau visage, Djénane a recommencé à se voiler. Alors que la situation des trois jeunes femmes devient de plus en plus inquiétante, Lhéry doit repartir pour la France...
Il est ému par le sort des trois 'petits fantômes noirs'. Il est parfaitement au courant de sa réputation- 'poseur', 'glacial'- et sait même parodier son propre style dans une des lettres de Djénane. Il évoque à merveille la beauté de Constantinople ( le terme Stamboul s'utilisant seulement pour la vieille ville) tout en détestant la modernisation galopante; se remémore l'amour de sa jeunesse; craint la vieillesse (il a 54 ans); se demande si, maintenant, cela serait possible - aimer, être aimé...
Sacré Loti ! Le charme opère toujours. Il peut parfois agacer mais quel écrivain! Comme pour ses autres romans c'est une 'autofiction' (cette fois il change les noms, pour protéger ses amies) où il se donne un beau rôle.
Mais il y a plus de fiction qu'il ne pense, explique Alain Quella-Villeger dans 'Évadées du harem' où l'on découvre l'envers 'vrai' du roman 'Les Désenchantées'.