"Les lisières" marquaient la fin d'un cycle, la boucle était bouclée, le personnage principal revenait sur ses lieux de jeunesse et mesurait à la fois l'étendue du désastre et le chemin parcouru.
"Peine perdue" tourne la page. On change de géographie, c'est le sud-est de la France et non plus l'Ouest et ses grands vents, le Japon, ou de façon souvent prégnante chez Olivier Adam, la banlieue parisienne.
Mais les difficultés restent les mêmes pour qui n'est pas né nanti. Et dans les bons romans comme dans l'existence, dans ces cas-là on fait ce qu'on peut. Le sport semble une rédemption, mais porte ses limites. Et dans "Peine perdue" sera source de tragédie puisque c'est autour d'un règlement de comptes d'après match que le drame principal se nouera et se dénouera.
Le foot, et une tempête. Parce qu'il ne faut jamais oublier que si l'on n'est à la merci ni de nos propres failles, ni des actes des autres, on ne l'est surtout pas de la force des éléments.
Ce roman déplaira à ceux qui estiment qu'on est maître de sa vie et réconfortera ceux et surtout celles qui savent qu'on fait au mieux de ce qui nous échoit, et que parfois faire au mieux, on n'y parvient même pas.
C'est le cas d'Antoine, le seul personnage de ce roman archi-choral (1) qui intervient deux fois, au premier chapitre et au dernier. Malgré l'amour pour la mère de son fiston, malgré toute l'affection qu'il a pour l'enfant, ne réussit pas à faire face, quelque chose rate toujours. Et quand ça ne vient pas de lui, ce sont les autres qui provoquent l'une ou l'autre catastrophe de sa vie.
Les femmes s'en sortent moins mal, mais subissent davantage. Reste l'entraide, de belles rencontres malgré tout, assez peu de malfaisants notoires fors un vague politico-mafieux local, lequel se tient en haute estime et se comporte comme un sale type, avec le sentiment d'être un gagnant. Il est effectivement le seul qui a une latitude d'action, d'où il en est de pouvoir et d'argent ; influent au niveau local, impuissant au delà. Seulement il l'utilise pour son seul intérêt, ce qui le conduit à nuire.
L'intrigue fait la part belle aux apparences trompeuses.
La structure du roman est d'une belle horlogerie, l'histoire, dont la tension narrative est digne d'un bon policier, est relatée de façon linéaire mais ce sont les points de vue qui sont éclatés. Chacun prend la parole à l'instant où il se trouve mêlé à ce qui survient. L'ensemble est si bien maîtrisé qu'à première lecture on ne s'aperçoit de rien. Et l'on se trouve embarqué dans une succession de fondus-enchaînés qui nous laissent avec le seul regret de ne pouvoir prolonger la présence de certains des humains que l'on côtoie ainsi. On aimerait revoir la mère du petit Nino, aussi la soeur d'Antoine, boire un coup et parler foot avec cet entraîneur, Eric, qui nous rappelle si fort ce Laurent qu'on connaît.
Comme toujours chez Olivier Adam on est au plus près de l'existence, du présent, le chômage reste proche, ombre portée même s'il n'est pas fatalité.
Le style reste épuré, sans gras. Amateurs de lyrisme et de grandes sagas passez votre chemin. Ici, c'est la vie, entre gris clair et gris foncé, celle d'un peu tout le monde. Et c'est si bien écrit que ça aide à tenir, un pas de plus, un peu.
(1) Il comprend 23 chapitres tous vu par un narrateur différent, ou plusieurs puisqu'une fois c'est l'équipe (de foot) qui à titre collectif voit son point de vue exprimé, équipe dans laquelle Antoine brillait et où un jeune Tony, qui cache à ses coéquipiers qu'il lit, compte le remplacer.