Un conte rondement mené qui nous embarque dans une véritable épopée en Afrique, dans un style efficace et poétique. Une histoire aussi politique où germent les dégâts de la colonisation à l'œuvre.

Trois lieux, trois vies, trois atmosphères pour aborder le thème de la mondialisation dévastatrice pour trois personnes dont le point commun est la rose. Nana, jeune étudiante éthiopienne, travaille dans une ferme produisant des roses (pour un salaire de misère, dans une chaleur et une humidité insoutenable, exposée aux pesticides) ; Jan, trentenaire hollandais travaille pour une plateforme d'achat de fleurs (solitude et stress) ; Ali, jeune bangladeshi, en attente de régularisation de sa situation à Paris (loin de sa famille), vend des roses, la nuit . Des vies comme des ombres, subissant des métiers abrutissants, sans rêves, sans perspectives positives.

A travers une émeute apocalyptique, l'auteur raconte son pays, l'île Maurice et son délitement, résultat des dépravations des hommes depuis quatre siècles, destruction de la faune et de la flore, de la complexité de sa population bigarée, source de richesse mais aussi de barrières identitaires et de contrastes sociaux. A la foi roman d'anticipation, fable philosophique, avec la tension d'un thriller, le récit progresse en suivant sur une seule journée trois personnages qui vont se croiser pour le meilleur et pour le pire. Une écriture âpre !

Alexandre, cinquantenaire, n'a jamais quitté la campagne où il vit proche de ses parents, qui lui ont confié la gestion de la ferme depuis leur retraite. Il n'a plus de relations avec ses trois soeurs depuis qu'elles ont décidé de l'implantation d'éoliennes sur leurs terrains. La pandémie en 2020 va les réunir pour le pire (les ressentiments du passé) et le meilleur (remises en question). Dans le contexte de ces circonstances exceptionnelles, l'obligation de cohabiter pendant le confinement va troubler la solitude bienheureuse d'Alexandre et obliger les soeurs à se reparler. L'auteur saisit l'occasion de distiller quelques réflexions sur la nature et les relations humaines et sociales en temps de crise sanitaire.

Alia, jeune lycéenne marocaine quitte précipitamment Tanger, sa famille et son pays suite à la diffusion, sur les réseaux sociaux, contre sa volonté, de photos prises par elle-même avec son téléphone portable. Poussée à l'exil, en raison de la législation marocaine en matière d'atteinte aux bonnes moeurs, passible de peine de prison, Alia vit à Lyon dans la nostalgie de son Maroc, de son enfance et de son amitié avec EIlias, lorsqu'elle pense croiser la route de celui qui est à l'origine de la diffusion de ses photos. Un brillant premier roman sur le thème de l'apprentissage du corps féminin, du regard des hommes et des femmes, de l'affranchissement des règles et des tabous. La plume de cette jeune auteure marocaine est envoûtante. Nous collons au corps et à la peau de la narratrice qui utilise le "tu" pour parler d'elle-même, avec cette même distance qu'elle met entre son moi intime et son corps, qui ne lui appartient plus vraiment depuis qu'il est devenu l'objet de convoitise, de curiosité et de désir.