Ce récit, ponctué d’allers-retours entre l’Asie du sud-est, principalement le Cambodge et la France, essentiellement Paris, progresse des années 20 à nos jours. Tel un éventail à 360 degrés, avec des coloris, des plis, des pans indépendants et liés successivement, il emprunte les effluves de chaque époque et de chaque lieu. L’histoire débute, dans les années 20, par le séjour de Clara et André Malraux, retenus au Cambodge dans l’attente de leur procès pour vol d’œuvres d’art, en compagnie de leur boy attitré et fidèle, Xa Prasith. Le fil conducteur est le fils de ce dernier que l’on suit depuis sa naissance au Cambodge, ses études à Paris, son engagement politique, influencé par son meilleur ami, Sâr Saloth (futur Pol Pot) et les intellectuels marxistes, son retour au pays et la mise à l’épreuve du régime des Khmers rouges, sa tentative d’alerter le monde sur ses dérives prévisibles et sa décision de confier Phalla, sa fille de 6 mois à un jeune couple de français au moment de la chute de Phnom Penh. Au-delà des contextes historiques en filigrane, nous sommes plongés dans les méandres de deux jeunesses (cambodgienne et française) vivant le métissage sur deux continents, avec cette fascination commune : se délivrer de sa propre civilisation. Le récit convoque également une galerie de couples singuliers (Clara et André, Maxime et Marie, Yann et Marguerite, Phalla et Jean), comme autant de jeux de miroirs et d’échos qui donnent le vertige dans un dédale de réminiscences et de correspondances. Chacun a son propre labyrinthe de souvenirs traversant les époques et comme « Ce qui ne se dit pas n’existe pas » : les secrets, les légendes et les rumeurs existent pour brouiller les pistes. La force de ce récit réside autant dans sa dimension romanesque que documentaire : un véritable patchwork d’époques et de personnages qui interrogent la métrique existentielle, le chemin parcouru, l’étrangeté du destin et le karma.