Arthur Bramball, professeur d’université sans relief, décide de se retirer dans une cabane à la campagne dans pour écrire le roman ultime. Une fois son manuscrit achevé, un incendie ravage sa cabane et son livre part en fumée. N’ayant fait aucune sauvegarde et tapant à la machine, Bramball, dans un état second, réécrit son roman et décide cette fois de cacher son manuscrit dans un tronc d’arbre. Poussé par la faim, un ours traîne autour de la maison, découvre la mallette contenant le manuscrit ainsi que le roman de Bramball. L’animal emporte le manuscrit et décide de le faire publier sous son nom. A partir de ce moment, l’ours va devenir la nouvelle coqueluche des médias, son roman sera acclamé par la critique tandis que Bramball va sombrer dans une grave dépression. Ecrit en 1996, L’ours est un écrivain comme les autres n’en reste pas moins d’une actualité stupéfiante et demeure plus que jamais une satire acerbe du milieu intellectuel américain et des médias. Tout le monde en prend pour son grade : de l’attachée de presse complètement hystérique, au journaliste incompétent et superficiel, en passant par le critique littéraire imbu de sa personne… Il n’y a guère que l’ours qui échappe à la plume inquisitrice de l’auteur. A l’image de la couverture (un petit bijou de visuel kitsch), l’ours-auteur séduit la gent féminine par son charisme animal, impressionne les journalistes par son calme et ses rares propos qu’il grogne du bout des babines ; et bien sûr, sa ressemblance « criante » avec Hemingway va achever tout ce beau monde, persuadé de tenir le prochain grand auteur américain. On se délecte du sens de l’absurde de l’auteur et on rit du début à la fin avec cette savoureuse farce.

C'est toujours un délice de lire Aki Shimazaki. Véritable source de douceur et de fraîcheur, ces livres au nom de fleurs évoquent le Japon avec pudeur et lucidité. "Azami" est le premier tome d'une nouvelle pentalogie centrée sur les questions conjugales. Mitsuo, marié et père de deux enfants, mène une vie tranquille et équilibrée. Un jour, en sortant du journal où il travaille, il rencontre Gorô Kida un ancien camarade de classe, alors perdu de vue. Celui-ci le mène dans un bar où il va croiser son premier amour d'école, Mitsuko, devenue entraîneuse. Cette rencontre va faire basculer sa paisible existence, remettant en question le fonctionnement de son couple et faisant ressurgir des souvenirs et sentiments jusqu'alors enfouis. Son désir ne va cesser d'accroitre jusqu'à tourner à l'obsession. Shimazaki peint avec beaucoup de justesse le ressenti de ce trentenaire, la découverte de ce nouvel amour ainsi que la culpabilité qu'il peut ressentir vis-à-vis de sa femme. On attend la suite avec impatience !

Maurice Ravel, homme de petite taille et plutôt chétif, n'a qu'une ambition, participer à la guerre. Il sera tout d'abord réformé, puis, à force d'opiniâtreté, sera engagé volontaire en 1916. Chauffeur, il rayonnera à 25 km autour de Bar-le-Duc. Sa camionnette, qu'il nomme Adélaïde, tombera en panne dans la forêt de Mare et Ravel attendra l'équipe de dépannage plusieurs jours. Il vivra l'expérience de ce qu'il appelle l'existence d'"un Robinson plus moderne". Homme sensible au milieu du vacarme de la guerre, il entendra toujours le chant des oiseaux, observera les arbres qu'il entendra presque pousser. En 1917, Le retour à Paris est très difficile, la ville lui semble bien bruyante et tout est futile. La perte de sa mère le plonge dans un immense désarroi. Alors, après être allé se ressourcer en Ardêche, il fera l'acquisition d'une propriété à Montfort l'Amaury en 1921. La promenade dans les bois est quotidienne. Compositeur de renommée internationale, Ravel voyage dans le monde entier et accueille beaucoup de visiteurs chez lui. Sa maison sera et fera son bonheur, il y vivra jusqu'à la fin de sa vie, en 1937. Michel Bernard nous livre ici un très beau roman, tout en finesse et en délicatesse. Il nous dit à quel point la guerre aura joué un rôle majeur dans la vie de Maurice Ravel.

Il avait tout. L'argent, le sexe, la drogue, les nuits interminables. Il était le roi du monde. Il était trader. Mais les années 80 sont loin derrière lui, et le temps n'est plus aux gains quotidiens de plusieurs centaines de milliers de dollars en claquant des doigts. Un licenciement et une cure de désintoxication plus tard, il est seul. Aujourd'hui, il visite des appartements qu'ils ne peut pas acheter, cherche des souvenirs qu'il ne retrouvera pas, attend les appels d'un enfant qu'il n'a jamais eu. Entre évocation de vieux souvenirs au faste monstrueux et récit d'une vie d'errance et de solitude, La Chute des princes est un roman d'une beauté remarquable accrue par tant de mélancolie. Ce n'est pas noir, c'est infiniment poétique.

On les attendait, les revoilà plus en forme que jamais ! Les anarchistes décadents de la bande à Pierrot posent leurs valisent à Paris, dans l'un des quartiers généraux du comité "Ni yeux ni maitre". En forme... pas tous. Après avoir reçu par la poste un colis rempli de centaines de milliers d'euros en grosses coupures et une carte signée Ann Bonny, Pierrot sombre dans la dépression : il s'agit de son ancien amour de jeunesse qu'il croyait morte. Il pourra compter sur Mimile et les autres pour lui redonner goût à la vie et aux actions militantes. Un deuxième tome encore plus hilarant que le premier, à base "d'attentats gériatriques", de révoltes anti-boulangeries et de sabotages de meetings de Jean-François Copé. Sans oublier cette mélancolie si propre à Pierrot et ses camarades. Une franche réussite !