Aller au-delà de la légende, celle de Montmartre et de la vie de bohème, au-delà des étiquettes et des surnoms. Qui était vraiment Suzanne Valadon ?
Fille naturelle d’une lingère, modèle à 15 ans, fille-mère à 18 ans, dessinatrice entrée tout de suite dans le sérail le plus prestigieux, lorette aux amants multiples, peintre autodidacte à 27 ans, bourgeoise à 30 ans, encombrée d’un fils alcoolique jusqu’à l’âge de 70 ans, remariée à 49 ans avec un homme de 21 ans son cadet, reconnue (enfin) à 54 ans comme une artiste importante, châtelaine riche et si prodigue pendant 10 ans, elle finira seule et abandonnée de presque tous.
Elle a en permanence cherché à forcer le destin, tout en refusant toute concession. Un seul mot lui a tenu lieu de guide : liberté.
Comment connaître et comprendre sa vie ? Elle a tellement réussi à brouiller les pistes pour ses contemporains que les mensonges et les demi-vérités ont éclipsé l’étude de son œuvre. Si de nombreuses biographies, plus ou moins romancées, lui ont été consacrées, elles n’ont pas souvent mis en relation ses aventures (sa vie) et ses créations (son œuvre).
Aussi avons-nous cherché à éclairer la vie de Valadon en mettant en regard ses créations avec l’esprit de leur créatrice au moment de leur réalisation. Pour cela, nous avons fait le choix d’une trame chronologique, et celui de retourner chaque fois que possible aux documents d’origine (courriers, documents d’état-civil, articles de presse, témoignages).
Fallait-il insister sur les spécificités de son sexe à cette époque ? Elle a été tout de suite admise comme une grande dessinatrice, puis peintre, dans le milieu des artistes, mais des décennies seront nécessaires à cette reconnaissance chez la critique et le grand public.
Elle a ignoré les conventions, et suivi uniquement ses choix personnels, sans tabou. Elle a été à l’avant-garde, souvent sans en être consciente, femme libre, et est devenue un modèle pour les générations suivantes presque à son insu.
Notre ouvrage propose 264 reproductions de tableaux de Suzanne Valadon, soit 50 % environ de la totalité de son œuvre picturale, et au total 306 reproductions, ceci afin d’en apprécier les grandes facettes (nus, portraits, paysages, natures mortes) dans les différentes phases d’une vie ô combien complexe. Le lecteur peut ainsi se faire son propre jugement sur l’extraordinaire artiste-peintre qu’était devenue Suzanne Valadon dans les trois dernières décennies de sa vie, et sur les chemins qu’elle a empruntés pour y parvenir.