Elle enferme la nuit Contient le silence Brigitte Broc Brune comme la lune, Mélusine s’offrait au silence de la nuit. A quoi rêvait-elle? Dans sa nudité secrète  ? : A la fontaine de la soif d’aimer toujours trahie par les hommes sans yeux, au temps merveille des brumes qui prépare le lever du soleil, aux signes des temps de son errance dans les forêts et les bocages ? A sa sœur la Vouivre maîtresse des eaux ? A la solitude sans retour aux pays des rencontres, ce chant des dunes? A cet amant chéri qui a trahi son serment ? Le peintre Gilles Bourgeade sait tout cela. Qui donc réparera l’âme des amants tristes chantait Léo Ferré. Gilles Bourgeade est son secours. Il lui offre des habits de couleur pour reprendre une de ses expressions. Ses couleurs, le bleu transparent, le mauve de la nuit, l’ocre d’un matin de printemps, les verts subtils et les bleus de la mer, le rouge sang , l’orange de la vie recouvrent son corps et pansent les blessures. C’est tout l’art de Gilles Bourgeade de saisir la vie d’un corps au féminin dans toute sa splendeur discrète et nuancée. Le travail au trait présenté dans ce livre fruit d’un travail d’atelier va plus loin dans l’invention même. Ce qui est saisissant, c’est le regard de l’artiste posé sur le thème du corps et des retrouvailles de son intimité. C’est une histoire, un récit qui naît de et dans son regard. Si j’ai choisi Mélusine, c’est pour signifier cela. L’homme dans la légende avait franchi la porte interdite avec son regard en voulant connaître ou s’accaparer une Mélusine libre de son corps ou de sa journée. Mélusine réapprivoise ainsi la maison du silence de la nuit. A relire et relire les poèmes de Brigitte Broc, j’ai la sensation physique que la poète redonne parole à Mélusine. A l’intérieur du mot/ La faune des dunes,/ Le peuple des marais m’invite à incliner ma rêverie de lecteur à mettre mes pas dans ceux d’une Mélusine retrouvée. A force/ de longer le regard/ Sans faire aucun/ Escale,/ La piste s’est brouillée,/ Des jacinthes,/ Des pieds nus dans l’herbe/ Coupée,/ De la femme/ Aux multiples reflets confirme cette impression. La poète a réunifié l’alliance entre les bêtes et les sources avant de tenter l’amour retrouvé. La poète a saisi Mélusine dans son drame : Sous sa robe meurtrie/ Le rouge du sable/ Les ravines de la soif. Emile Verhaeren avait célébré dans le fameux poème « Le chant de l’eau » une Mélusine aux pieds d’or qui dansait, qui dansait.. La partition des mots de ce « Chant des dunes » rejoint celle des couleurs du peintre. Voilà un livre fort et délicat qui célèbre le goût et la joie d’aimer.- Luc Vidal, le 28-10-2015