• DERRIERE L’ECRAN DE SES YEUX BLEUS, Hallyday cache un inconscient français. Fort, éclatant dans sa jeunesse, il a délivré les Français des pesanteurs de la guerre. Né en 1943 au cœur d’un Paris occupé, le chanteur a grandi dans les années sans mémoire. Puis il a scellé les noces de l’Amérique fantasmée, celle des grands espaces, des westerns avec motos en lieu et place des chevaux sauvages, et du vieux pays européen.Pour sa dernière tournée, Hallyday revient au rock de ses jeunes années, aux versions françaises des chefs-d'œuvre d’Elvis Presley, d’Eddy Cochran ou Ray Charles. À 66 ans, il remplit des stades sous le symbole de l’aigle américain. Basique et bizarre, Johnny rassemble des fans fédérés par des idées de solitude, de révolte, de mauvais garçons.Chanteur populaire, Hallyday a gagné ses galons auprès de l’intelligentsia par le cinéma, en compagnie de Nathalie Baye et Jean-Luc Godard, mais aussi grâce à des chansons écrites par des intellos-pop, comme Sagan, Labro, Roda-Gil. Même les écrivains se sont inclinés : Aragon, Bodard, Duras…On dit Presley toujours vivant, menant une existence dorée à l’abri des regards. Cette légende de l’histoire du rock, c’est d’abord une métaphore, utilisée au XVIe siècle par les Portugais qui croient au roi caché, incarnation du destin de la nation.Hallyday 2009 règne sous ses habits des années 1960 : beau, sauvage. Cet Hallyday-là est un roi caché, qui, au-delà des rides et des douleurs, incarne la jeunesse d’une France qui se rêve en nouveau monde.

• Véronique Mortaigne est critique musicale au journal Le Monde. Elle compte parmi les journalistes les plus talentueux de notre époque.