LE TYRAN MEURT AU QUATRIÈME COUP
De JORGE IBARGUENGOITIA
Le Tripode
Présentation
1926, Arepa, une île imaginaire des Caraïbes. Le président de la République, le maréchal Belaunzarán, arrive au terme de son quatrième mandat, maximum permis par la Constitution. Après avoir fait assassiner le candidat de l'opposition, il fait modifier le régime électoral et mobilise ses partisans du parti progressiste en vue de sa réélection. Les bourgeois du parti modéré croient se sauver en rappelant au pays Pepe Cussirat, un richissime jeune premier. Celui-ci tente infructueusement, et par trois fois, d'assassiner le dictateur, causant à chaque fois des désastres autour de lui. Qui parviendra à " tuer le lion " ?
Avec sa trame satirique et rocambolesque, ses scènes épiques décrites comme des plans séquences dignes d'un "Django unchained" (Tarantino), "Le Tyran meurt au quatrième coup" fait rire du pire, et démontre que si celui qui ne tente rien n'a effectivement rien, le ridicule peut tuer.
Jorge Ibargüengoitia (Guanajuato, Mexique, 1928 - Madrid, 1983) est un écrivain mexicain, dramaturge, essayiste, nouvelliste et romancier. Il a d'abord écrit des pièces de théâtre, dont la plus célèbre, " L'Attentat ", fut interdite pendant 13 ans. Pendant presque 20 ans, il a tenu une chronique hebdomadaire dans le quotidien " Excelsior ", jusqu'à sa fermeture par le pouvoir en place. Il a passé une bonne partie de sa vie à l'étranger, notamment à New York où il a bénéficié d'une bourse de la fondation Rockefeller et à Londres et Paris, où il vivait au moment de sa mort tragique, dans un accident d'avion.
L'Indépendance et la Révolution mexicaine, toujours traitées sur le mode de la farce sont ses thèmes de prédilection. L'humour et l'ironie, y compris grinçante, irirguent le reste de ses romans, qui se passent tous au Mexique, à l'exception notable de " Maten al león " -" Le Tyran, meurt au quatrième coup ", situé dans une île imaginaire des Caraïbes.
Le mot du libraire
Coqs et quelques poules
1926. Arepa est une petite île caribéenne, si petite qu'il y a à peine assez de place pour tous les égos qu'elle abrite. Le président, ancien Jeune Héros de la libération et très populaire, arrive au bout de son second mandat mais il voudrait faire changer la constitution pour pouvoir être élu à vie. Les membres de l'Opposition s'effraient, non pas par souci de démocratie mais par crainte que leurs propriétés ne soient nationalisées par le Président-Maréchal, qui est, après tout, l'incarnation de la Nation. Lorsque leur candidat est assassiné- bien sûr la police enquête sur le crime selon toutes les règles- ils décident qu'il faut avoir recours à la manière forte pour se débarrasser du chef d'état. Plus facile à dire qu'à faire...Mais entre gens du même monde ne pourrait-on pas s'entendre?
Une fable grinçante et comique dont les leçons valent aussi pour des pays plus grands qu'Arepa....
Les illustrations (oui ! ) correspondent parfaitement au ton du récit. Un régal.
Combats de coqs, Voltaire et toilette de luxe
Impossible de prédire l'immense carnaval de rebondissements qui s'abattra sur nos personnages, l’île d’Arepa est un peu comme un passage manquant à Candide. Niveau situation politique, démagogie flagrante et tout le reste, tout ressemble affreusement à une dystopie bien loufoque traitée avec toute la légèreté qu’on connaît à Voltaire. On ne comprend le danger d’un tel régime qu’avec notre expérience à propos d’autocraties d’Amérique latine ou d’ailleurs ; parce qu’au fond, il a l’air tellement sympathique ce maréchal ! Oui, bon, il monopolise un peu la force, mais il est bonhomme comme il faut, il est rigolo avec son portrait officiel et ses toilettes de luxe. Quant aux personnages, ils sont tous à leur niveau des caricatures déjantées de leur milieu social, de leur profession, des parodies grotesques d’eux-mêmes dont on s’amuse franchement. Oui, ça a tout d’un Candide, version cubaine. L’enchaînement des évènements est à s’arracher les cheveux. On touche au complot politique, au coup d’État, à l’intrigue amoureuse et même au combat de coq, sauf que le lien n’est pas toujours très logique et plutôt rocambolesque. On verrait bien certaines scènes dans une comédie d’espionnage, ni plus ni moins. Bref, Le Tyran meurt au quatrième coup est une réussite, à lire après un reportage sur Papy Fidel ou tout autre joyeux tyran en visite officielle à Paris !