Une dystopie post-libérale hallucinante
Le monde construit par Orwell est une mécanique de précision impressionnante : chaque aspect de ce monde inventé est cohérent et cela apparaît comme un tour de force inouï. Il crée de toutes pièces - même si, historiquement, il s’inspire des totalitarismes de son époque - une société où est né le pouvoir ultime et absolu : celui qui n’a plus la moindre visée connue que celle de se reproduire lui-même : un monde vertigineux, cauchemardesque où se débat Winston à la poursuite de souvenirs… hanté par un monde qui a existé mais dont il a perdu la trace.
Une fois n’est pas coutume l’amour, lui-même normé, théorisé et contrôlé, vient faire exploser l’unité si bien pensée par Big Brother : Winston désire Julia, leur amour leur donnera la force de s’aventurer au-delà des exigences de l’Etat tout puissant.
1984 demeure une lecture brûlante et incroyablement stimulante car en vérité il est une réflexion politique intemporelle sur le pouvoir, sur l’individu, la folie de l’anéantissement de toute sensibilité au profit d’une rationalisation absolue de l’existence. C’est aussi un roman qui tient en haleine, fait trembler le lecteur et vibrer à l’unisson de deux coeurs en résistance.
Reste une question épineuse : dans quelle traduction le lire. Personnellement je viens de le faire dans la version de 1950 qui était dans ma bibliothèque, confinement oblige. A vrai dire on sent parfois quelques pesanteurs dans cette version mais la nouvelle qui retraduit les concepts clef du roman ne fait pas que des adeptes… Enfin, en cette période, prenez ce qui vous tombe sous la main, vous goûterez, quelque soit la traduction, la force de ce puissant roman.