Roman policier ou roman social ? D'une redoutable efficacité en tous cas, ce roman est construit sous forme de dépêches qui tombent heure par heure, sur une seule journée. Nous sommes à New York, dans les années 2000, et il est question de la disparition de la version papier du fameux journal "The World", pour entrer dans l'ère du numérique bien sûr... C'est donc Briscoe, le rédacteur en chef, qui doit annoncer la nouvelle à son équipe. Mais dans ce roman, il est surtout question d'humanité : d'hommes et de femmes, femme du mondes, femme de chambre, flic, ancien soldat d'Irak, immigrés, islamistes, nantis ou SDF, tous finiront par donner son sens à l'intrigue. Le compte à rebours commence à la première page : vous serez captivés jusqu'à la dernière !

La force de Philip Keer est d’allier une qualité d’écriture et un solide contexte historique. Dans ce nouvel opus, nous retrouvons son personnage principal Gunther Bernie dans les affres de la guerre froide. Tout démarre en 1954 à Cuba où Gunther tente d’extrader par voie maritime une sulfureuse opposante cubaine vers Haïti. Il est arrêté par la CIA et enfermé à New York puis ramené secrètement à Berlin au Landsberg où il subit jour après jour des interrogatoires musclés. Pourquoi cette arrestation, qu’attend la Cia de Gunther Bernie. ? La Cia recherche des informations sur l’Allemagne de l’Est et sur les Russes, mais elle cherche avant tout à tracer le portrait d’un homme, celui de Erich Mielke, chef de la Stasi. Quel rapport avec Bernie ? A maintes reprises, le chemin des ces deux hommes se sont croisés. Au fil de ses interrogatoires, Bernie Gunther se livre et revient sur son engagement dans les SS, sa traque en France des opposant communistes allemands, sa guerre sur le front de l’ Est, sa capture par les russes, et ses terribles années de détention dans les camps de travail forcé en URSS. L’affaire se corse quand les services secrets français s’intéressent eux aussi aux informations livrées par Gunther Bernie. Notre personnage passe de services secrets en services secrets. Qui manipule qui ? L’histoire s’étoffe, devient trouble et passionnante. Et malgré toutes ces révélations, Philip Keer, dans un style alerte et imagé se contente de ne lever qu’un petit voile de Bernie Gunther

La vie des Saints n'a pas toujours l'apparence de la sainteté. Effacée des "Confessions",Saint Augustin a vécu dans sa jeunesse en concubinage avec une jeune carthaginoise Elissa dont il eu un enfant Adeodatus; Dans ce roman, Claude Pujade-Renaud recrée le destin de cette femme, une vie dans "l'ombre de la lumière". Dans un monde tumultueux, on suit le couple de Carthage à Thagaste, de Rome à Milan au gré des ambitions d'Augustinus, partageant la même foi manichéenne, un amour puissant et libre. Pourtant,l'enseignement de Saint Ambroise, les manœuvres de Monica mère du jeune homme poussent celui-ci a répudier Elissa qui retourne seule à Carthage. De loin, elle suit le cheminement d'Augustinus vers l'exaltation catholique, son amour ayant peut-être "servi qu'a lui donner soif d'un autre amour". Toujours aimante, elle reste admirative de l'inquiétude, du travail et des succès du grand homme mais s'indigne de sa rigidité doctrinale, de sa sécheresse de cœur qui l'éloigne des hommes. Si Claude Pujade-Renaud décrit admirablement les peines et les douleurs de la vie d'Elissa, on retient surtout la grâce avec laquelle elle nous transmet les beautés intemporelles de la douceur de vivre des pays du Sud. Les soirées amicales sur les terrasses, les sorties aux bains, les promenades dans les jardins, le goût des poires, des raisins et des figues, le travail du pain et de la terre, l'ombre des grenadiers, l'intensité de la lumière.

Un ravissement que de lire ce terrible souilleur de femmes d'Oxford. Malgré ce titre certes un peu violent se cache en réalité un charmant petit roman sur la naissance de la psychanalyse. Henry St Liver et Olive Salter sont les Holmes et Watson du raisonnement psychanalytique au service de la résolution des crimes pervers qui ne manquent pas dans la capitale londonienne de la fin du XIXe siècle. Les chapitres s'enchaînent avec célérité et drôlerie à condition d'avoir un peu de recul sur les choses du sexe comme on dit...

Après un retraite de trente ans au bord du pacifique, Abel Truman se sent enfin prêt à affronter les fantômes de son passé et les blessures laissées par la guerre de Sécession. Une via dolorosa ponctuée par la rencontre d'amis, de connaissances, de revenants et d'hommes moins recommandables. La déjà grande force de Lance Weller est dans la description des états d'âme de son personnage principal mais aussi dans l'analyse des effets de la guerre de Sécession sur l'état américain moderne alors en construction. Lance Weller a en plus une plume magnifique pour saisir aussi bien les variations d'une nature changeante que le bruit et la fureur d'une bataille de cette guerre fratricide. Bref encore une jolie trouvaille des éditions Gallmeister pour la plus grande joie des lecteurs!