Qu’est devenue la petite Suzanne ? La gamine aux genoux cagneux qui vous entraînait sous les portes cochères pour vous apprendre la vie ? Il regrettait de ne pas avoir tenté de garder le contact ; séparés par des kilomètres, ils auraient pu maintenir un lien sans risques. Femme de militaire ? Professeur des écoles ? Ingénieur ? Mère de famille respectable ? Comment savoir… Mais maintenant, il savait que s’il la retrouvait, la petite effrontée à la main baladeuse, il lui dirait : « Suzy, tu peux tout me prendre. En souvenir des instants où tu m’as révélé tout ce que je sais de la vie, de ces moments où j’ai été heureux, tu peux prendre ma maison, mon parc, mes comptes en banque ; tu peux même me prendre, moi, si tu le désires : je te dois bien ça. Laisse-moi seulement le chien. »
Et la petite fille, du haut de ses treize ans, lui dirait en haussant les épaules : « T’es complètement ouf, toi, ou quoi ! »
Mais la jeune femme avec un sourire mélancolique : « Monsieur, je crois que vous perdez la tête. »