L'homme qui saisit un journal à la Maison de la Presse de Penhoët ressemble à monsieur tout le monde, quoiqu’un peu typé par ses origines. À le regarder, nul ne pourrait se douter que celui qui règle son achat à la caisse vient d'accomplir, la semaine précédente, la plus horrible mise en scène macabre de ce début de siècle. Nous sommes le vendredi 15 mai 2020, tout en sortant du magasin afin de regagner son véhicule garé sur le trottoir d'en face, il entame avec le sourire, la lecture de la une du journal Ouest France où est écrit en toutes lettres : Trois pendus en bord de Loire. Trois hommes ont été découverts tôt ce matin par un pêcheur. Les corps étaient nus, castrés, pendus à une branche d’un saule surplombant la Loire entre les communes de La Montagne et Bouguenais, au niveau de l'ancienne carrière de la Roche Ballue. Cet arbre bien connu des randonneurs est dénommé l'arbre aux gorilles. L’arbre aux gorilles, que l’on découvre aux abords des rives de la Loire, fait partie des trente-trois œuvres d’Art Contemporain disséminées entre Nantes et Saint-Nazaire. Isabelle Otaru, commerçante au Ruban bleu à Saint Nazaire, feuillette à son bureau le journal, ce drame l'interpelle. La scène se déroule près de la ferme de la Roche Ballue où était placée sa jeune sœur Brigitte à la fin des années 1970. À cette époque, toutes deux étaient pupilles de l'État, et enfants déplacés de l'Ile de la Réunion.