Célestine, ou les Époux sans l'être (1798) doit bien sûr son succès au fait que le roman est imité de l'anglais, en ces années dominées par le gothique d'Ann Radcliffe, de Lewis et de quelques autres. Mais on y perçoit aussi, au fil d'ébouriffantes péripéties et de cauchemardesques aventures, l'écho d'une Terreur proche, qui est dans la rue. Bellin de la Liborlière, qui écrit depuis l'exil, juge, on le sent, la Révolution haïssable. Son Razoni, dont les monstrueux forfaits tiennent jusqu'à la dernière page le lecteur en suspens, est plus qu'un scélérat ordinaire, émule des Montoni ou des Schedoni d'Ann Radcliffe : il incarne la cruauté des temps révolutionnaires, la vilenie sanguinaire et manipulatrice des nouveaux maîtres de la France.